Telle une route tracée il y a 3500 ans, nous avançons pas à pas, jour après jour, de Pessah jusqu’à Shavouot, vers le Mont Sinaï, lieu de la Révélation Divine.

A l’instar de nos ancêtres, nous cheminons sur cette voie dessinée il y a si longtemps afin d’y acquérir ce qui nous permettra de nous faire réceptacle de la Torah le 6 Sivan. Cette route constitue le fondement de notre Emouna.

C’est en effet en traversant les étapes successives que sont la sortie d’Egypte, l’ouverture de la mer et la révélation du Sinaï que nos ancêtres ont pu acquérir de façon concrète, c’est-à-dire à travers leur vécu réel, une Emouna indéfectible, transmise ensuite de génération en génération.

Le Rav Moshé Shapira z’’l explique dans son livre "Ree Emouna" que toute notre Emouna (croyance en Hachem) se base sur les évènements fondateurs du judaïsme que sont la sortie d’Egypte et la révélation.

On constate effectivement que lors de ces évènements, apparait à trois reprises dans le texte biblique la racine "AMN" qui crée le mot « Emouna » :

1. Lorsque Moise annonce au peuple Hébreu la fin de leur calvaire égyptien, le texte dit: וַיַּאֲמֵן הָעָם (Ex, 4, 31) - Et le peuple y eut foi.

2. L'ors de l'ouverture de la mer , il est écrit: וַיַּאֲמִינוּ בַּה' וּבְמֹשֶׁה עַבְדּוֹ. - ils eurent foi en Hachem et en Moïse, son serviteur. 

3. Au moment du don de la Torah, D’ dit à Moise: וְגַם־בְּךָ֖ יַאֲמִ֣ינוּ לְעוֹלָ֑ם - pour que le peuple entende que c'est moi qui te parle et qu'en toi aussi ils aient foi constamment.

Nous comprenons dès lors que toute emouna est constituée de ces 3 volets qui, ensemble, forment notre croyance et confiance en Hachem.

Rav Moshé Shapira développe l’importance de ces 3 aspects qui sont complémentaires au sein de toute Emouna.

Il y a tout d’abord la croyance en un D’ unique, Créateur de l’univers. Le peuple hébreu a pu découvrir cet aspect là lors de l’ouverture de la mer durant laquelle Hachem s’est révélé aux yeux de tous comme étant l’ultime Maitre de chaque élément qui constitue l’univers: 'וַיַּאֲמִינוּ בַּה .

Mais la croyance, c'est aussi prendre consience qu'auprès avoir tout créé, Hachem continue à se préoccuper de ses créatures à tout moment.

C’est ce que nous appelons la השגחה ou Providence.

Le peuple hébreu intériorise dans son vécu cette proximité avec le Maitre du monde quand Hachem leur annonce par l’intermédiaire de Moise la fin de l'esclavage. Enfin, une croyance n’est totale que si elle inclue également l’origine divine de la Torah et la véracité des textes prophétiques.

Nous retrouvons ce troisième aspect lors de la révélation au Sinai: ּ בְּךָ֖ יַאֲמִ֣ינוּ - Il est intéressant de constater que ce triptyque qui constitue toute croyance se base sur une triple expérience collective et non pas sur des spéculations d’ordre philosophique. C’est d’ailleurs ce que va répondre le "haver" au roi des khazars dans le merveilleux ouvrage du Kouzari écrit par Rav Yehouda halévi.

Le roi des Khazars est en effet surpris que notre devoir d’Emouna exprimé dans le premier des 10 commandements (אָנֹכִי ה' אֱלֹהֶיךָ אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם) se justifie par l’expérience de la sortie d’Egypte et non pas par une réalité qui s’imposerait d’un D’ Créateur de l’univers.

Mais c’est précisément cette triple expérience collective qui fait la spécificité de notre identité. Le peuple d’Israël porte dans son ADN la croyance en un D’ qui est omnipotent et qui interfère dans nos vies afin de nous extraire de toutes les formes de servitude.

En suivant la route du Sinaï, nous tentons chaque jour de nous affranchir de nos diverses aliénations présentes en permanence dans nos vies sociales, politiques, financières pour ainsi pouvoir nous soumettre uniquement à notre Créateur.

Nous retrouvons cette démarche dans l’histoire de Routh que nous lisons à Chavouot. En effet, quel avenir se dessine pour Routh, cette Moabite en haillons fraichement convertie, quand elle décide de suivre Naomi ?

Et pourtant, la triste histoire de Routh changera son cours de façon inattendue. Le voici galant quelques épis de blé dans le champ de Boaz quand celui - ci adressse ces quelques mots: אַל־תֵּֽלְכִי֙ לִלְקֹט֙ בְּשָׂדֶ֣ה אַחֵ֔ר - Ne vas pas glaner dans un autre champ.

Rabbi Nahman dans la Torah 65 du "Likouté Moharan" interprète ce texte de façon très poétique: chaque glanure est telle une somptueuse cueillette des plus beaux mots de prières émanant de l’âme de Routh. Boaz rassure Routh: chaque effort, chaque mot prononcé confectionne un précieux bouquet devant Hachem.

Elle n’est pas insignifiante, elle n’est pas une oubliée de la vie… Toutefois, Routh se présentera à Boaz telle une vulgaire servante וַתֹּאמֶר אָנֹכִי רוּת אֲמָתֶךָ - Je suis routh ta servante.

C’est le midrash qui nous dévoilera la réponse de Boaz : « Non, tu n’es pas une "Ama’ (servante) mais une "Ima" (Matriarche) »

Nous comprenons alors que le livre de Routh nous invite à déceler l’infini potentiel qui se trouve caché en chacun: car derrière l’apparente "ama", (servante), se dévoilera une "ima" (matriarche), qui donnera naissance à la lignée de David !

Boaz nous rappelle ainsi le message de la Emouna : Hachem intervient dans nos vies afin que nous puissions nous extraire de toutes nos servitudes et dévoiler notre potentiel.

Nul n’est soumis, nul n’est asservi, à nous de faire émerger la graine de "IMA" qui nous fera produire nos plus beaux fruits !