Allaitement : attention au départ !
- essentielle
- 06 Déc. 2021
- Durée : 12 min
Une grande majorité des femmes enceintes se préparent activement à leur accouchement : cours de préparation chez la sage-femme, lectures intensives sur le sujet, ou encore yoga prénatal …
Par contre, lorsqu’il s’agit d’allaitement, les futures mamans semblent être moins à la recherche d’informations, se disant peut-être que leur corps saura s’y prendre naturellement, ou encore que le personnel de la maternité saura les accompagner et les conseiller.
Et pourtant… On constate régulièrement qu’un allaitement peut être « condamné » dès les premiers jours qui suivent la naissance par des conseils inappropriés ou des phrases qui tuent, alors que sa réussite tient à peu de choses au départ.
Alors, une femme avertie en vaut-elle deux ? Et bien, oui et un allaitement, ca se prépare avec plus de soins que la valise pour la maternité !
Une maman correctement informée sur le démarrage de son allaitement, sur la première mise au sein et sur les jours qui suivent son accouchement sera plus à même de bien lancer sa lactation et commencer à allaiter son bébé dans des conditions optimales !
Aussi, je vous propose un topo sur l’allaitement durant les 2 ou 3 premiers jours qui suivent l’accouchement.
On se met donc en situation !
Vous venez d’accoucher, vous allez bien et votre bébé aussi ! Vous venez de vivre un événement à nul autre pareil.
La rencontre avec votre enfant est un moment d’une intensité rare, qui devrait (quand les conditions le permettent) repousser le moment de la pesée, mesure et habillage à plus tard.
Là, tout de suite, vous devriez pouvoir être en peau à peau avec votre bébé, vous permettant de vous découvrir mutuellement. Et ça devrait pouvoir durer 2 heures !
Ces 2 heures sont particulières car durant cette période, votre bébé (s’il n’a pas été trop malmené par l’accouchement et s’il est né par voie basse) est éveillé comme il ne le sera probablement plus jamais dans sa vie.
En effet, lors de sa sortie du ventre, ses glandes surrénales vont être comprimées et sécréter des hormones, les catécholamines, qui vont maintenir tous ses sens en éveil.
Si on le laisse faire, votre bébé va effectuer une reptation depuis votre ventre où il a été posé vers votre sein, attiré par l’odeur dégagé par celui-ci (repère olfactif) mais également par la couleur plus foncée de votre aréole (repère visuel), et éventuellement vers le sein gauche juste là où bat votre cœur (repère auditif) !
Je suis d’ailleurs convaincue que si plus de mamans connaissaient l’importance de ce peau-à-peau immédiat après la naissance et en faisaient la demande explicite, on arriverait doucement à changer la donne au niveau des maternités et espérer ainsi que cette pratique devienne la norme.
Ces 2 heures représentent également le moment où votre bébé est le plus apte, d’un point de vue de ses compétences innées, à faire sa première tétée !
Cette première tétée, souvent appelée tétée de bienvenue ou encore tétée d’accueil est, à mon sens, déterminante, tant pour le bébé que pour la maman.
Comme toute première expérience, elle se doit d’être agréable.
Si le bébé ne cherche pas le sein, ou s’en détourne, pourquoi le forcer en le positionnant devant votre sein et en appuyant à l’arrière de sa tête ? S’il n’est pas prêt maintenant, laissez-lui du temps et faites-lui confiance pour se manifester quand ce sera le bon moment pour lui.
En réalité, cette première tétée n’a quasiment pas d’objectif nutritionnel. C’est une prise de contact, ce doit être du pur plaisir pour lui (même si ça le sera peut-être un peu moins pour vous au début …)
Je tiens quand même à rassurer les mamans qui n’auront pas pu avoir leur bébé contre elle pendant ce laps de temps : c’est certes le moment idéal pour une première mise au sein mais si cela n’a pu se réaliser, cela n’invalide en aucun cas la mise en place de l’allaitement.
Cependant, à partir de cette première tétée, même si elle a lieu après ces 2 heures, il est primordial que votre bébé puisse téter aussi souvent qu’il le souhaite.
On appelle colostrum, ce premier lait. C’est une substance d’une qualité rare et il importe qu’il en reçoive le plus possible.
Rappelons ici que l’être humain est un mammifère et que la femme est physiologiquement conçue pour allaiter son enfant ! Ainsi c’est déjà pendant la grossesse que le corps de la femme se prépare à sa fonction future : celle de nourrir son enfant.
La glande mammaire prend du volume et commence à sécréter du colostrum dès le 4ème mois de grossesse.
Le colostrum est une substance plus épaisse que le lait produit après la montée de lait intervenant entre 2 à 5 jours après l’accouchement).
De couleur jaune-orangé du fait de sa forte teneur en Béta-carotène, c’est un concentré de protéines et d’anticorps, correspondant parfaitement aux besoins de votre bébé à ce stade de vie.
On le considère comme un premier vaccin pour le nouveau-né dont le système immunitaire est encore immature à la naissance.
Votre bébé vient de passer 9 mois dans un milieu bien spécifique et l’adaptation à la vie extra-utérine n’est pas chose aisée pour lui :
- il doit apprendre à maintenir sa température corporelle,
- il doit faire face à une perte hydrique : afin de limiter autant que possible cette perte de liquide, il va falloir maintenir au chaud votre bébé (le peau à peau est imbattable en la matière !), limiter les pleurs et limiter les urines. Et là, surprise ! Votre colostrum est salé et permet de retenir les liquides à l’intérieur du corps de votre bébé !
- il doit faire face à des microbes inconnus : le colostrum agit ainsi comme un véritable « booster » du système immunitaire encore immature de votre bébé.
- il doit s’adapter à un nouveau type d’alimentation et de digestion : le colostrum est fabriqué en petites quantités (on parle de 5ml par sein à chaque tétée), ce qui correspond à la petite taille de son estomac à un jour de vie, c'est-à-dire entre 5 à 7 ml, la taille d’une cerise!
Alors, OUI, je m’émerveille et j’espère bien que mon enthousiasme est communicatif !
Le colostrum (comme le lait mature par la suite) est le liquide le plus adapté qui soit pour votre tout jeune bébé, argument entièrement valable pour un enfant plus grand d’ailleurs! De par sa composition, il est inimitable et il est indispensable que votre bébé en reçoive le plus possible dès la naissance.
Dans le cas où votre bébé n’arrive pas à téter, ou que vous êtes séparée de lui, rien ne vous empêche d’exprimer un peu de colostrum et d’en donner à votre bébé à la seringue, ou même avec le doigt.
Il serait vraiment dommage de l’en priver sous prétexte qu’il ne le prend pas directement à la source !
J’ai envie de rajouter que plus votre bébé tètera du colostrum, plus vite il éliminera le méconium de son estomac, évitant que la bilirubine de ce dernier ne soit réabsorbée par l’organisme, risquant de provoquer une jaunisse.
S’il est important du point de vue du colostrum, que le bébé tète très souvent, ces tétées se doivent également d’être fréquentes et sans restrictions DES les premiers jours et ce, pour diverses raisons :
- Elles permettent au bébé d’améliorer sa technique de succion. En effet, même si à la naissance, il est compétent pour téter, cela lui permettra d’être complètement « opérationnel » au moment de la montée de lait et de reprendre du poids aisément.
- Elles permettent à l’utérus de la maman de se contracter (les fameuses tranchées, dont la seule évocation peut en faire frémir plus d’une !) et de revenir doucement à sa taille initiale.
- Elles permettent aussi à la maman de faire plus ample connaissance avec son enfant et de répondre de manière adaptée aux besoins physiologiques mais aussi affectifs de ce dernier.
Alors voilà un peu ce qui vous attend, depuis ce moment magique où vous tiendrez votre bébé dans vos bras jusqu’à la montée de lait, ce qui fera très certainement l’objet d’un prochain article pour essentiElle!
Karine Sananes