Le feeling se travaille-t-il ?
- Hava
- 10 Déc. 2021
- Durée : 7 min
Est-il possible de faire volontairement évoluer le « feeling » d’une relation, ou doit-on laisser les sentiments évoluer spontanément ?
Oui, on peut créer du feeling si on souffre soi-même du fait que la relation n’avance pas suffisamment, et/ou si la personne en face éprouve qu’il n’y a pas suffisamment de ressenti dans ce qui est partagé.Dans les deux cas, les recommandations sont identiques.
La personne que nous avons rencontré nous convient, elle nous plait même sur certains points, mais la relation reste amicale, intéressante mais distante, et je dirais même, du fait que nos affects n’y soient pas impliqués, certains moments nous semblent creux, et finissent malgré leur contenu objectif de qualité, à nous lasser.
Nous attendons autre chose et non seulement nous pouvons le créer, mais nous serions fous de ne pas tenter de le faire.
1) Le feeling s’installe entre deux personnes lorsque l’échange porte sur ce que l’on ressent
Il existe trois types de discours :
Le discours descriptif, se rapporte à l’extérieur de nous, au visible
- Il relate généralement l’action que nous faisons ou qui a lieu autour de nous
Le discours réflexif, se rapporte à ce que l’on pense à propos de ce qui se passe
- Certains parviennent même à analyser, à expliquer, à élaborer une rationalisation plus développée de ce qu’ils pensent : « c’est à cause de », « c’était parce que »
- Ce discours révèle généralement « les croyances » de la personne, ce sur quoi il se fonde pour comprendre une situation, par exemple : la différence hommes-femmes, la dangerosité du monde, le complotisme… etc.
Le discours sensible , rend compte des émotions, traduit les ressentis
- Il se rapporte à l’intérieur de ce qui vit la personne, à sa subjectivité
- Il existe un premier niveau, le moins intéressant, qui relate la couche sensible la plus facile à évoquer, le plus souvent dans des termes impersonnels que tout le monde emploie, des discours tout faits pour chaque circonstance déjà répertoriée : c’était horrible, je n’étais plus moi-même, j’étais dénaturée, j’ai trouvé cela génial, j’étais tellement émue, j’étais en larmes…
- Le second niveau plus difficile, consiste à ELABORER : à montrer une progression, à définir une différence, à nuancer, à s’approprier de façon spécifique des états sensibles et émotionnels qui nous submergent à l’état brut… Il révèle, le cas échéant, la profondeur de la personne.
Une relation peut même être intéressante du point de vue intellectuel, mais tant que les partenaires n’ont pas élaboré dans une écoute mutuelle un discours sensible, elle restera insatisfaisante.
Dans ce cadre, même si l’échange est agréable et instructif, le feeling ne peut s’installer durablement.
Il peut y avoir un moment de grâce où le feeling se « trouvera » être là, parce que la personne nous a plu physiquement, ou parce qu’il était agréable et attrayant de monter au troisième étage de la tour Eiffel ensemble, mais cette excitation à vivre quelque chose de grisant, restera cantonnée au présent.
Les activités agréables et tout ce qui fait « plaisir » dans une relation, ne sont absolument pas à négliger. Elles sont très souvent efficaces à démarrer un feeling, ou à le consolider ; mais en aucun cas elles ne suffisent à le FONDER durablement.
2) Se tourner vers l’autre, se détourner de nos propres attentes
Le feeling s’installe quand on s’intéresse à l’autre, que l’on rebondit sur ce qu’il dit, que l'on reprend la discussion à partir de ses centres d’intérêts et non du nôtre, bref quand on est capable d’être merfagen.
Sur ce point je vous recommande la lecture d’un précédent article, qui vous sera fort utile en rencontre, et dans la vie en général. ( voir l'article )
Rien de tel pour éveiller la sensibilité de l’autre, que de l’attacher à ce qu’on lui donne d’unique, et d’irremplaçable.
Rien de tel pour éveiller sa propre sensibilité que d’avoir eu le bonheur d’éveiller celle de l’autre.
3) L’étape ultime du feeling : interpréter la personne qui nous plait – A utiliser à bon escient, et avec modération !
Aimer une personne, ou du moins commencer à l’apprécier pour des bonnes raisons, nous ouvre des portes insoupçonnées pour la comprendre, pour saisir les ressorts de son comportement, les causes de ses réactions, et en un certain sens, « le pourquoi » de ce qu’elle est.C’est ce qui s’appelle « lire » une personne.
Il s’agit en réalité de chercher à interpréter son sens caché comme on le fait pour un texte qui révèle bien davantage que ce qui est écrit quand on s’investit pour percer les secrets des couches profondes. Interpréter, consiste donc à dévoiler l’implicite de ce qui est dit de façon explicite.
Pourquoi ce sens est-il caché, pourquoi faudrait-il le « dévoiler »? Parce que même si nous comprenons assez bien les ressorts classiques des profils types de l’humanité, cela ne nous donne pas encore toutes les clés pour nous comprendre nous-mêmes, pour saisir ce qui malgré nous nous échappe. Nous sommes éminemment subjectifs à notre propre égard, le plus souvent aveugles sur ce qui nous entrave, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’entrave persiste.
Souvent ce qui nous fait souffrir est confus, parce que cela nous ferait encore souffrir davantage de connaitre les causes de notre mal-être ; nous sommes alors « angoissés ». L’angoisse est une peur sourde dont l’objet nous est souvent caché.
Si quelqu’un nous aime suffisamment pour se mettre à notre place et nous dévoiler ce qui pour des raisons conscientes ou inconscientes est resté dans l’obscurité (alors que cela nous concerne directement), alors nous nous attacherons très fort à cette personne… Pourquoi ? Parce que la capacité qu’il a de nous offrir le sens caché de ce que nous sommes, nous fait grandir ; et nous lui devrons d’avoir gagné en conscience de nous-mêmes et donc en valeur.
Mais plus encore, la capacité que l’autre a de nous interpréter plus que nous-mêmes ne pourrions le faire seuls, révèle de façon indirecte la force de l’amour qu’il a pour nous… Cette marque d’amour nous touche d’autant qu’elle est rare.
Nous comprenons évidemment pourquoi il faut utiliser cette faculté que l’on aurait d’interpréter l’autre «avec modération ».
Faire une mauvaise interprétation de l’angoisse de l’autre par exemple, ou de sa difficulté à sourire, conduirait exactement au résultat inverse : cette personne ne m’aime pas, pour preuve elle ne comprend rien à ce que je ressens…
Rien de plus dangereux que d’interpréter « à la sauvage » les comportements et/ou les états d’âme d’une personne qui nous importe, que nous aimons et dont nous désirons être aimés. En effet, cette arme est à double tranchant, et blesserait la relation en cas de « faute d’interprétation ».
Mais surtout, sachant que ce que nous révélons à l’autre lui est inconnu (ou flou), il faut avant tout qu’il soit convaincu de l’intention positive et constructive que nous avons de le lui donner à voir ce qu’il serait incapable de percevoir seul. C’est seulement à cette condition qu’il l’acceptait comme un cadeau, comme une marque d’amour.
Si l’interprétation est effectivement ressentie comme une marque ultime de l’intérêt que nous avons pour l’autre, elle sera en conséquence vécue comme un très haut degré d’amour. Il se produira de ce fait un niveau de proximité psychique que l’on trouve assez rarement, auquel personne n’est insensible…
Conclusion
Peu de personnes savent réellement s’intéresser aux autres au point de les comprendre, de percer « leurs secrets ».
Il n’en empêche qu’à tous les degrés, l’intérêt que l’on développe pour l’autre reste une des formes privilégiées du développement de sentiments mutuels.
Interpréter l’autre, lui offrir ce qu’il ne possède pas encore de lui-même, est un cadeau sans égal.
Mais même sans parvenir à ce degré ultime -qui s’apprend progressivement, et qui devient très vite indispensable à une relation de couple que l’on souhaite pérenne- chaque marque d’intérêt que l’on a pour l’autre, le touchera, éveillera sa sensibilité, tout en nous rapprochant de lui.