On met bien plus de temps à changer quelque chose qui ne porte préjudice qu’à nous-mêmes, qu’à changer quelque chose qui porte préjudice aux autres.

Changer un comportement qui date, quand bien même il ne nous réussit pas, (dont les autres pâtiront forcément tôt ou tard, même si ce n’est pas immédiat), nous oblige beaucoup, et sur plusieurs plans :

a) Changer nous impose de reconnaitre que nous nous sommes trompés, à revenir sur ce que nous avons défendu tout ce temps.

Plus le temps a passé, plus cela devient difficile. Justifier d’être restés dans l’erreur si longtemps, avouer que l’on a souffert d’une situation mais parce que NOUS devions changer quelque chose, est une chose extrêmement difficile à imposer à l’ego.

Je pense que beaucoup de gens préfèrent « mourir », ou du moins perdre beaucoup, que de reconnaitre que ce qu’ils ont perdu jusque-là, et notamment tellement de temps, ils l’ont perdu par leur faute.

b) Changer demande donc de se séparer d’une partie de soi-même, d’en faire le deuil : une idée à laquelle on a cru, et le plus souvent une attitude dans laquelle on s’est enfoncée dans la douleur pour se justifier de lavoir enclenchée.

La douleur d’accepter que l’on s’est trompé, qu’on est responsables de cette situation qui nous a déjà fait souffrir, peut parfois être augmentée de la douleur qui provient du regret qu’on aurait pu (et dû) changer plus tôt.

On nous l’avait déjà dit, on l’avait peut-être même déjà compris sur nous-mêmes, mais pour se justifier on n’a rien changé… 5 ans plus tard, 3 enfants plus tard, ou deux mariages plus tard, on réalise que l’on savait déjà, que l’on aurait pu sortir de notre souffrance en changeant quelque chose.

A ce moment, le regret est décuplé, la souffrance est telle que l’on préfère se condamner à souffrir toujours, à rester en échec, que de vivre cette douleur du regret qui s’additionne au coup que prend notre ego.

c) Changer demande à commencer quelque chose de neuf, à se lancer vers l’inconnu, avec de nouveaux arguments pour se convaincre du contraire de ce qu’on a « toujours pensé ».

Il faut alors se plonger dans des nouvelles habitudes, abandonner celles qu’on a toujours adoptées parce qu’elles correspondent à ce que nous sommes dans notre version la moins exigeante pour nous-mêmes.

Oui, c’est énormément difficile.

d) Changer demande alors impérativement de se faire aider (et là l’égo prend encore un autre coup), car à partir de ce que nous sommes, et même des coups que nous avons encaissés, il reste littéralement IMPOSSIBLE de changer de perspective.

Nous sommes très généralement incapables de produire quelque chose de différent qui ne soit pas juste « je vais être plus comme ceci, ou moins comme cela ».

Intensifier un effort est une chose que nous savons relativement faire assez bien seuls, mais faire AUTRE CHOSE de soi-même, est quasiment impossible sans un levier qui nous vient de l’extérieur.

Le regard de l’autre est ce qui nous arrache de notre situation, si ce regard est pertinent, « bienveillant » (je déteste ce terme galvaudé mais bon), mais surtout SI NOUS LE VOULONS VRAIMENT.