Y a-t-il un espoir après le deuil périnatal ? par Priscilia Benmoussa
Santé de la femme

Y a-t-il un espoir après le deuil périnatal ?

J’ai décidé de vous faire part de mon expérience pour espérer désacraliser un peu le sujet, le rendre plus abordable pour les mamans qui en ont souffert et qui sans doute en souffrent encore mais aussi pour les personnes qui écouteront leur douleur et auront les outils pour la soulager davantage ou du moins ne pas être indélicat. Quand on perd son bébé, c’est le monde autour de nous qui s’écroule, le sol qui se dérobe sous nos pieds. Mais quand on doit faire face à une seconde perte, comment se relever ? La vie continue et pourtant celle que nous avions dans nos entrailles, elle, s’est arrêtée… Le deuil périnatal est un sujet encore trop tabou de nos jours ; peut-être par pudeur, par ignorance je ne sais pas trop mais quand les langues se délient, on se rend compte que beaucoup de femmes (et d’hommes aussi ne les oublions pas) sont passés par là.


1) Mon épreuve

Tout a commencé en janvier 2014, le 27 exactement où alors enceinte de neuf mois je perds mon bébé lors de mon accouchement. Les médecins ont tout tenté, en vain, mon fils est resté bloqué et a souffert d ’anoxie cérébrale ce qui a entrainé sa mort in utéro. Ils auront mis 27 minutes à le sortir (décidément ce nombre me poursuit), ce qui m’aura valu une césarienne en urgence, un os du pied touché lors de la péridurale et une sortie de la maternité avec une immense cicatrice (physique et morale), une béquille et sans bébé. C’était mon premier bébé, un petit garçon. Autant vous dire que l’épreuve était à la hauteur de mon désespoir. Je vous épargnerai toutes les démarches administratives et religieuses qu’il a fallu entreprendre à la suite sans oublier qu’il reste une trace à vie de ce petit être qui est inscrit comme premier enfant dans mon livret de famille.

2) La foi, un atoût majeur

Comment se relever de cette épreuve sans nom ? Mon médecin m’avait à l’époque dit d’attendre de faire mon deuil avant d’entamer une nouvelle grossesse. Je l’ai regardé droit dans les yeux et lui ai dit avec assurance : « je ne pense pas que nous puissions faire le deuil de son enfant ». Et il a approuvé. En effet, il existe des mots pour chaque perte : celle de son conjoint nous rend veuf, la perte de nos parents nous rend orphelin mais il n’existe aucun mot dans le dictionnaire pour qualifier la perte d’un enfant. J’ai essayé de trouver des réponses à mes questions : « Pourquoi nous ? », j’enchaîne les cours de torah et insiste pour avoir des entretiens avec les rabbins qui les dirigent. Certains me diront alors que c’est l’enfant qui choisit ses parents et que c’est sans doute un mérite que d’avoir enduré cette épreuve. Moi qui penchais plus pour une « punition » pour avoir mal fait quelque chose, je me suis alors réfugiée dans cette première explication. La foi, croire que D. fait tout pour le bien m’a beaucoup aidée et m’aide encore à tenir aujourd’hui.

3) Les maladresses de la société

Et les gens dans tout ça? Les proches ? La famille ? Bien sûr, être bien entourée a été crucial pour moi, aussi bien par mon mari que mes parents ou ma fratrie. Mais il a fallu que je me blinde psychologiquement face aux indélicatesses des gens. Entre les curieux qui me demandaient ce qu’il s’était passé ou pourquoi je n’avais pas attaqué l’hôpital et les phrases du type « oh c’est pas grave, on recommencera… » sans compter les femmes enceintes autour de vous, proches et moins proches, délicates et discrètes ou tout l’inverse ; bref, il fallait que j’apprenne à créer une bulle tout autour de moi et ainsi faire abstraction des indélicatesses des gens qui sont pour la plupart de l’ignorance de ce par quoi on passe.

4) Les psychologues : un vrai outil ?

Qu’en est-il des psychologues ? Après tout il serait normal de faire appel à eux pour nous aider dans notre souffrance. Pour ma part, ce ne fut pas le cas. Grace à D, après cela ‘j’ai eu la chance d’avoir trois magnifiques garçons qui ont comblé mon cœur de maman débordant d’amour à donner. Mais quand le malheur a frappé de nouveau à ma porte en 2021 j’ai ressenti alors le besoin de consulter quelqu’un. J’ai dû interrompre la grossesse d’une petite fille (après quatre grossesses de garçons !) à cinq mois pour une malformation incurable. Moi qui croyais que la foudre ne tombait pas deux fois au même endroit, je me trompais… Hasard ou coïncidence, la psychologue que m’avait conseillée mon médecin traitant n’était autre que celle qui était présente à l’hôpital le jour où j’ai perdu mon premier enfant, sept ans plus tôt. Alors oui, j’ai pu évacuer pas mal de choses mais au bout de quelques séances j’avais l’impression de satisfaire davantage sa curiosité sur ce qu’il s’était passé et de quelque part venir « réparer » son sentiment d’impuissance à ce moment- là. Puis je me suis convaincue que seules les personnes étant passées par cette perte pouvaient comprendre. C’est donc tout naturellement que je me suis tournée vers ces « mamanges » pour témoigner mon expérience et ainsi recevoir leurs peines qui se voyaient atténuer en s’exprimant.

5) Conclusion :

Pour chaque blessure, il y a un pansement ; des petits, des grands, des ronds… Mais quand la plaie est trop grande seul le temps peut aider à cicatriser… je suis aujourd’hui maman de quatre garçons, mais j’ai deux petits anges qui veillent sur moi. Faire le deuil de ces enfants ? C’est impossible à mon sens mais avancer, se battre chaque jour pour qu’il soit meilleur que le précédent, cela est possible quand on a la foi que tout est pour le bien et que rien n’arrive au hasard. Oublier ? Surement pas, mais vivre avec, laisser le temps faire son travail, bien s’entourer et surtout faire abstraction des personnes qui ne vous apportent pas d’ondes positives. Alors à toutes les mamans qui traversent une telle épreuve: oui, la vie est possible après la perte de son enfant ! Et à toutes les personnes qui entourent ces mamans dans le deuil, soyez là, montrez vous disponibles mais jamais indiscrets. Comme le dit Jean d’Ormesson : « Merci pour les roses, merci pour les épines ! ».

Priscilia Benmoussa, Professeur des écoles, Master en psychologie.

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Priscilia Benmoussa

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