Les hommes et les femmes aiment-ils de la même manière ? par Hava
La rencontre

Les hommes et les femmes aiment-ils de la même manière ?

  • Hava
  • 27 Oct. 2021
  • Durée : 8 min

Une différence à vivre et à assumer, par le psychanalyste Jacques-Alain Miller, selon la définition du verbe aimer donnée par Lacan.

J.-A. Miller : Aimer, disait Lacan, c'est donner ce qu'on n'a pas. Ce qui veut dire : aimer, c'est reconnaître son manque et le donner à l'autre, le placer dans l'autre.

Ce n'est pas donner ce que l'on possède, des biens, des cadeaux, c'est donner quelque chose que l'on ne possède pas, qui va au-delà de soi-même. Pour ça, il faut assurer son manque... Et cela, c'est essentiellement féminin.

On n'aime vraiment qu'à partir d'une position féminine. Aimer féminise. C'est pourquoi l'amour est toujours un peu comique chez un homme.

Mais s'il se laisse intimider par le ridicule, c'est qu'en réalité, il n'est pas assuré de sa virilité.

- Aimer serait plus difficile pour les hommes ?

J.-A. Miller : Oh oui ! Même un homme amoureux a des retours d'orgueil, des sursauts d'agressivité contre l'objet de son amour, parce que cet amour le met dans la position d'incomplétude, de dépendance. 

C'est pourquoi il peut désirer des femmes qu'il n'aime pas, afin de retrouver la position virile qu'il met en suspens lorsqu'il aime.

Cette définition singulière de l'amour ne s’effraye pas de poser la différence homme/femme comme fondement du sentiment amoureux et de ses éventuelles entraves.

Ce n’est plus très à la mode, et pourtant. Le psychanalyste Jacques-Alain Miller s’emploie courageusement à poser cette différence dans ce qu'elle a de problématique et de difficile à accepter notamment pour les hommes, mais aussi dans la dynamique qu'elle génère pour celui qui l’assume.

Les femmes n'ont (généralement) pas peur de reconnaitre qu’elles sont manquantes.

Faire de la place pour porter un enfant, qui de surcroit n'est pas seulement notre "propre produit", est la marque la plus radicale du besoin d’un autre que soi.

C’est ainsi que porter un enfant c'est se mettre corporellement, physiquement, à l'épreuve de son propre manque, du manque constitutif au fondement de tout être humain en général.

Cette faille irréductible qui rappelle si c’était nécessaire que la plénitude n’existe pas, ne possède d'horizon (et non de solution) que dans la présence de l'autre.

C’est ce qu’une femme donne à un homme lorsqu’elle porte son enfant à lui, alors qu’il est aussi le sien à elle.

C’est certainement là, la meilleure occurrence pour exprimer qu’elle donne son manque, comme le dit le psychanalyste qui admet là une posture « essentiellement » féminine.

Cette capacité à porter le manque qu’elles donnent à l’autre dans leur propre chair que les femmes possèdent potentiellement, donne a celles qui y sont sensibles, la possibilité de sublimer ce manque de la plus belle des manières.

C’est l’occasion d’assumer sa faille tout en restant dans la création, ou du moins dans une existence qui se projette hors d’un soi manquant. Chez les hommes, l'affirmation du manque intrinsèque que l’on doit « donner à l’autre » pour l’aimer (puisque c’est la définition du verbe aimer), doit en passer par l’acceptation d’une certaine féminité.

Il s’agit là d’assumer que nous sommes tous des êtres manquants, même les hommes, et non tout puissants comme le voudrait la posture dite virile. Le psychanalyste de nous rappeler que seuls les hommes qui ne doutent pas de leur virilité consentent à assumer cette posture.

Pour un homme qui parvient à se défaire du fantasme de la toute-puissance, aimer serait accepter d’imiter sa femme ;

Mais je rajouterai que ceci n’aura lieu qu’à condition qu’elle sache répondre de la nature profonde de celle « qui sait donner son manque à l’autre »…

C’est ce qui permettrait à l’homme de ne pas en vouloir à sa femme, de ne pas avoir envie de la détruire alors que sa présence le rend subitement dépendant, voire plus faible qu’il ne se l’était raconté.

Effectivement, s’il y gagne en amour (et donc en puissance réelle et non imaginaire) de façon concrète et tangible, alors il ne sera pas tenté de désirer une femme « qu’il n’aime pas », pour se protéger de cette fragilité.

Le calcul est simple : seul le sentiment irremplaçable d’être réellement aimé, et notamment d’être profondément valorisé pour cet effort auquel il consent, peut être de nature à compenser la posture « féminine » à laquelle un homme se résout malgré lui quand il aime.

Si l’on accepte que la différence homme/femme existe dans l’action d’aimer, alors il nous faudra conclure que les femmes aiment naturellement plus facilement que les hommes, qui eux dépendent d’une femme aimante pour s’initier à l’art de « donner de son manque », sans avoir le sentiment d’y perdre.

 

 

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Hava

Spécialiste en coaching de rencontres, pour répondre à toutes vos questions "de cœur".

Professeur de philosophie, formatrice certifiée, coach certifiée, psy-coaching et philo-coaching, psychanalyse.

Chadhanith (en réseau sur Kesher).

Elle développera également des réflexions plus générales sur l'intelligence intra-relationnelle et inter-relationnelle en mode "philosophie pratique" .

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